Depuis le début de mon parcours, j’ai toujours refusé les clichés, les attendus, considérant que le hip hop est une discipline d’art et de recherche portée par le croisement des cultures et des pratiques artistiques. À l’origine de cette nouvelle création, il y a ces rencontres fortes avec des musiciens remarquables qui jouent d’instruments rares et atypiques et auxquels j’ai proposé de partager mon univers. Multi-instrumentiste, percussionniste, toujours en quête de sonorités originales, Loup Barrow est parmi les grands spécialistes du Cristal Baschet, « l’orgue de cristal » dont le clavier est constitué de baguettes de verre qu’il caresse de ses doigts mouillés et qui par des effets de vibrations dessine dans l’espace une sculpture sonore fascinante. Violoncelliste, ingénieur, Grégoire Blanc est un des rares utilisateurs de thérémine au monde, un mystérieux instrument électronique dont il joue sans le toucher avec les mains qui ondulent à l’intérieur du champ électromagnétique émis par deux antennes posées sur un boîtier. De cette sorte de violon invisible émanent des vibratos et des mélodies éclatantes d’une pureté exceptionnelle.
Avec ces découvertes est né le désir de travailler autour de la notion d’étrange, d’insolite, de cet hors du commun qui engendre beauté et poésie et de renouveler le dialogue entre la musique, la danse et la scénographie. Entre apparences inattendues, moments d’illusion et éléments de surprise, nous entrons dans un espace-temps fantasmagorique où l’extraordinaire se substitue à l’ordinaire. La danse est portée par six danseurs singuliers issus des esthétiques hip hop et contemporaine. Dans cette aventure trois autres artistes aux univers si particuliers me rejoignent : le scénographe Olivier Borne avec ses lieux imaginaires, ses décors expressionnistes qui jouent sur la poétique de l’objet et l’oubli de la matérialité du monde. Régis Baillet avec cette musique sensible qui le caractérise, ses boucles électroacoustiques et cristallines dont l’élégance et la fluidité accompagnent ma danse. Camille Duchemin, scénographe reconnue pour ses décors souvent oniriques et saisissants m’accompagnera sur la dramaturgie. Les musiciens seront sur scène, aux côtés des danseurs imprégnant de leur virtuosité et de leur personnalité un spectacle qui sera le reflet de nos échanges et de nos émotions, à la fois baroque, intense et surprenant.
Kader Attou
PRESS
« De grands blocs hexagonaux manipulés avec minutie, des instruments hors du commun, des danseurs aériens, une mise en scène fantasmagorique et une grande hauteur de vue : voilà la définition de l’altérité dans la dernière création entre musique et danse de Kader Attou.
À l’aide d’instruments insolites atypiques et sensuels comme le thérémine, le Cristal Baschet (un orgue aux touches en cristal) ou la scie musicale, deux musiciens Loup Barrow et Grégoire Blanc rythment les pas des danseurs. Sur scène, Kader Attou questionne l’étrange et la figure de l’étranger entre costumes difformes et habits hors du temps. Dans ces vêtements, se meuvent deux femmes et trois hommes, ces derniers mélangent hip-hop et acrobaties dansées quand les danseuses travaillent la grâce et les volumes.
Comme dans une grande fable onirique, la scène est brumeuse et les artistes en mouvement sur la scène font bouger à leur gré des grands blocs gris tournant sur eux-mêmes donnant une impression labyrinthique aux déambulations. L’esthétique steampunk et cristalline des instruments ajoute à perdre le spectateur dans l’expérience métachronique auquel il assiste et souligne les mouvements mécatroniques du hip-hop. En fond de scène, derrière une paroi en tissu verdâtre transparent, les musiciens vont et viennent accéder à certains instruments relégués dans cette antichambre scénique où sporadiquement les danseurs font des apparitions et se fondent au décor et aux lumières.
Dans ce questionnement des autres et de l’étrange, les thèmes de la découverte et de la dissimulation sont les deux faces d’une même pièce. Les danseurs tantôt masqués, tantôt parés d’abat-jour troublent la vision du spectateur tant dans les perspectives que dans les lignes de la scène gérées magnifiquement par Olivier Borne. Le mystère laisse parfois place au spectaculaire face aux jeux de hauteur dans la chorégraphie, les danseuses s’agrippant et montant sur les blocs et leurs partenaires pour un effet wow déroutant le récit. Les dernières minutes, le temps et la pression semblent s’accélérer dans une jungle dansée pour finir dans une déflagration atonale et les pas dans l’obscurité d’un abat-jour madone.
Kader Attou dans une chorégraphie entre acrobatie, hip-hop et belles lignes donne sa vision de l’altérité, l’oreille rivée sur les sons des instruments marginaux et l’harmonie chavararique circassienne des danseurs. On perçoit bien la périlleuse recherche d’équilibre entre une volonté de tout montrer, d’une exhaustivité chorégraphique et la sobriété soulignant la minutie des mouvements dansés.»
Lucas Liberati, Toute la culture
« Pour sa nouvelle création, le chorégraphe Kader Attou mène une recherche musicale autour d’instruments rares et déploie une danse poétique et sensible.
Avec sa compagnie Accrorap et le CCN de La Rochelle qu’il dirige depuis 2009, Kader Attou met en valeur la technique hip hop pour en faire jaillir la poésie. Adepte du décloisonnement des genres, il choisit pour sa dernière création, Les Autres, de collaborer avec plusieurs musiciens, joueurs d’instruments insolites.
Il convoque ainsi Grégoire Blanc, un joueur de thérémine, instrument qui semble jouer dans l’air, où l’on frôle un champ électromagnétique pour produire des sons, mais aussi le multi-instrumentiste Loup Barrow, spécialiste de Cristal Baschet ou « orgue de cristal », dont les touches sont des baguettes en verre, pour créer une atmosphère étrange et hors du temps, orchestrée par le créateur sonore au style céleste Régis Baillet. Pour porter cet univers qui flirte avec le fantastique, Kader Attou rassemble au plateau six danseurs qui suivent les nappes enivrantes de la musique jouée en direct. Entre danse contemporaine et breakdance, les esthétiques se mêlent et font la part belle aux contacts entre les corps pour nous emmener, grâce à des portés sensibles, dans un moment lyrique et aérien.»
Bélinda Mathieu, La Terrasse